Spéléologue niçois, membre de la Société des Explorateurs Français, Michel Siffre nous a quittés le 24 aout 2024, emporté par une pneumonie à l’âge de 85 ans. Portrait d’un explorateur pionnier et visionnaire par Éric Gilli.


Mondialement connu pour ses expériences hors du temps, il a été à l’origine de nombreuses vocations de spéléologues, rejoignant ainsi le club fermé des pionniers français du XXème siècle, comme Jacques-Yves Cousteau ou Haroun Tazieff qui ont ouvert la porte de nouveaux mondes ou comme Alain Bombard, naufragé volontaire, qui a montré à tous que l’on pouvait survivre aux conditions les plus difficiles sous réserve de ne pas céder au désespoir.



Michel Siffre, explorateur de grottes depuis son enfance est devenu célèbre lorsqu’en 1962, âgé de 26 ans, il a décidé de s’installer seul, pour un camp de deux mois, sur un glacier souterrain à 100 m de profondeur dans le gouffre de Scarasson, au Marguareïs, près de Tende. Assisté dans ce projet par les spéléologues du Club Martel (Club Alpin Français) et par les CRS de montagne, son idée originale fut de se priver de tout repère temporel.





Ses alternances de veille et de sommeil furent alors uniquement dictées par sa physiologie et, lorsque le 14 septembre une équipe vint lui dire que l’expérience était terminée, il en fut grandement surpris car il croyait n’être que le 20 août.   Il venait de prouver que l’homme possède une horloge interne différente des 24 heures solaires.




Ce fut le début d’une série d’expériences qu’il organisa jusqu’en 1999. Lui-même et d’autres hommes et femmes, véritables cobayes humains, se succédèrent sous terre, seuls ou en groupe, pour des durées atteignant six mois.

La plupart des séjours eurent lieu dans le massif de l’Audibergue, près de Nice, où une durée record de six mois fut atteinte en 1966 par Jean-Pierre Mairetet dans l’Aven Ollivier.





Michel Siffre renouvela cet exploit en 1972 avec la Nasa qui finançât une expérience de 205 jours dans la grotte de Midnight Cave au Texas. Elle passa malheureusement quasi inaperçue car le jour de la sortie, en septembre, fut aussi celui de l’attentat de Munich sur lequel la presse mondiale se focalisa.



Ses travaux ont montré qu’il était possible de vivre sans fatigue sur un cycle bi-circadien de 48 heures, avec 12 heures de sommeil et 36 heures d’activité, ce qui intéresse l’armée ou la conquête spatiale. Elles ont aussi permis d’importantes avancées sur la chronobiologie, avec des applications en pharmacologie.


La carrière de Michel Siffre ne se résume pas aux expériences hors du temps. Passionné par le monde souterrain, il avait débuté des études de géologie et fait quelques recherches dans les grottes des Alpes Maritimes.



Il s’était ensuite intéressé aux grottes de Ceylan qui, pensait-il, pouvaient constituer des pièges à saphirs, puis à celles du Guatemala, à la recherche des peintures et sculptures mayas. Il a été l’auteur d’une douzaine d’ouvrages sur les grottes décrivant la beauté et la diversité du monde souterrain?

J’ai eu l’honneur et la chance de le rencontrer de nombreuses fois pour d’enrichissantes discussions sur le monde international de la spéléologie, nourries par son insatiable curiosité.  Je lui dois de m’avoir ouvert la porte du monde souterrain, l’année de mes 18 ans, grâce à «Expériences hors du temps» (Fayard, 1972). En me montrant que la vie doit être passion, ce livre contribua à me faire abandonner des études vétérinaires pour devenir géologue-spéléologue.

Merci Michel.

Eric Gilli



BONUS

UNE ARCHIVE DE L’INA

Michel Siffre, le pionnier des confinements volontaires