Notre président Olivier Archambeau vous adresse ses bons et meilleurs vœux pour cette nouvelle année 2024 via un texte très engagé, très roboratif et très éclairant. La preuve.

Chers Sociétaires, chers amis,

Permettez-moi, au nom du Conseil d’administration de la Société des explorateurs français, de vous souhaiter en cette toute fin janvier, une belle et heureuse année 2024, pleine de projets, de rêves exaucés et d’aventures imprévues.

Il est assez tentant de poser là un point final. Mais, souhaiter le meilleur à ses contemporains n’exclut pas de garder une nécessaire lucidité, forcément moins joyeuse, sur la marche du monde et, par là même, de se pencher sur les rapports qui pourraient exister entre les temps qui viennent et notre Société.

Mes vœux de l’année dernière commençaient en évoquant l’est de l’Europe et les cygnes noirs de la guerre. Le conflit perdure et l’issue paraît bien lointaine.

Une année plus tard, nous devons malheureusement ajouter à ce sombre tableau l’embrasement de plusieurs territoires du Proche et du Moyen-Orient, tout en espérant que certains acteurs majeurs de l’indo-pacifique ne profitent pas de l’occasion pour se lancer dans des aventures inconsidérées.

Quant à l’Afrique subsaharienne et centrale, elle ne semble pas non plus prendre le chemin de temps radieux. Les fameux « dividendes de la paix », dont par ailleurs je n’ai jamais cru en l’existence, ne sont plus d’actualité.


La mosaïque du monde change, mais les enjeux restent les mêmes. Les anciens empires communistes, dont on a vu l’efficacité du modèle en termes d’économie et d’épanouissement personnel, tentent d’accroitre leurs sphères d’influences et l’oncle Sam espère par tous les moyens garder son leadership mondial.

Olivier Archambeau


Entre les deux, une Europe faussement naïve qui semble n’avoir toujours pas intégré le fait que la « mondialisation heureuse » n’avait que peu de chance d’améliorer durablement la vie des habitants de cette Terre et accessoirement celle des Européens. Ajoutons à cela quelques régimes théocratiques fort respectueux des droits humains, un « Sud global » qui semble, pour l’heure, peu adepte de la philosophie des Lumières et le tableau sera presque complet.

Cerise sur la planète, on notera que la très grande majorité des acteurs de ce panorama (fort simpliste et réducteur, j’en conviens) ne semble pas avoir érigé en priorité absolue l’éducation d’Hommes libres, instruits et tolérants, ni la forte détermination à protéger notre plus grande richesse commune, la biodiversité.

Il n’échappera à personne que la conjonction de la montée en puissance des régimes totalitaires, d’un côté (religieux compris) et d’un libéralisme débridé, de l’autre (mondes numériques compris), tendent à modifier profondément la nature des États.

Sous la pression de ces forces considérables et de tous côtés sur Terre, les peuples trinquent et la cohésion, voire l’essence même des nations (ce qu’il ne faudrait pas confondre avec le nationalisme) est mise à mal par le morcellement des socles (histoire, savoirs, traditions, mode de vie, etc.) qui composaient jusqu’alors leur culture commune, gage d’homogénéité sociétale.

En France, par exemple, l’exécution de l’une de ces politiques (je vous laisse deviner laquelle) réussit l’exploit de mettre sur la route ceux qui seraient heureux de vivre de leur champ, tandis qu’un système éducatif public à l’agonie, celui-là même qui était censé garantir la cohésion de la République, a failli.

Cette situation a engendré pour le pays, mais surtout pour les jeunes eux-mêmes, de moindres capacités en sciences, en mathématiques, mais aussi en français, littérature ou philosophie.


Ajoutez à cela l’arrivée des réseaux sociaux pas toujours utilisés au mieux, poussés par les grands acteurs de la mondialisation, triant et orientant plus ou moins subtilement contenus et informations et il advient rapidement une accélération de la fragmentation de la société.

Olivier Archambeau


Cela entraîne l’apparition de différences abyssales au sein d’une même génération de jeunes adultes. Une différence entre ceux qui auront encore les moyens de penser par eux-mêmes, et ceux qui n’auront pas eu la chance d’avoir été éduqués pour le faire. Nous le savons depuis la nuit des temps, l’ignorance conduit à l’intolérance, puis, si l’on n’y prend pas garde, à la bien-pensance de masse et à l’obscurantisme.

Quel rapport, me direz-vous, entre cette longue diatribe et notre Société des Explorateurs Français ?

Ce constat que je voudrais plus optimiste, incite à la réflexion et à la nécessité de comprendre le rôle important qu’une Société comme la nôtre pourrait jouer dans les temps qui viennent.

Il ne s’agit pas de nous donner trop d’importance, mais bien de prendre conscience que, peut-être, en ces circonstances, notre « Club » comme l’appelait les anciens, pourrait apporter davantage que nous le pensions initialement à une jeunesse qui reste en demande de connaissances.

Optimiste invétéré, je m’appuierai sur cette belle phrase d’Alexis de Tocqueville pour étayer mes propos : « On ne rencontrera jamais, quoi qu’on fasse, de véritable puissance parmi les hommes, que dans le concours libre des volontés ».


Nous avons l’habitude de partir en voyage, en expédition, en reportage ou en aventure de toutes sortes puis de revenir, chargés de magnifiques pages noircies de nos expériences vécues, de prises de vue exceptionnelles, qu’elles viennent du fond des mers, de l’espace, de la grande forêt ou de pays englacés. Nous revenons avec des carnets de croquis ou d’inédites données de terrains qui apporteront leurs petites pierres au grand édifice de la science.

Olivier Archambeau


Parfois même, quand la chance sourit, ce sera un scoop, la découverte d’une nouvelle espèce sur je ne sais quelle île tropicale, un livre merveilleux, un reportage exceptionnel ou encore une rencontre avec une personne extraordinaire qui vous marque pour la vie.
Parfois même, quand la chance sourit, ce sera un scoop, la découverte d’une nouvelle espèce sur je ne sais quelle île tropicale, un livre merveilleux, un reportage exceptionnel ou encore une rencontre avec une personne extraordinaire qui vous marque pour la vie.

Tout cela est notre raison de respirer, notre raison d’être. Cela nous fait vivre et nous socialise. Notre carte de visite est le voyage, nous sommes et restons des amoureux de l’ailleurs, quel que soit notre domaine.

Souvent, notre manière de traverser l’existence est source d’incompréhension chez nos contemporains. Mais, aux cases toutes faites des âges et des moments de la vie (travail, vacances, retraite), nous avons préféré le continuum d’une existence aventureuse. Une existence qui se définit comme un îlot de liberté dans une société de plus en plus normée. Une liberté que, seuls, ceux qui savent en profiter, en connaisse la jouissance… et le prix.

C’est peut-être là notre plus grande richesse : transmettre aux jeunes générations le désir d’apprendre et de découvrir, transmettre le courage de l’engagement, l’enthousiasme et l’ouverture d’esprit, transmettre la volonté de reprendre sa liberté quels qu’en soient les efforts et le coût social ou financier.
Beaucoup d’entre nous font déjà cela, chacun à son niveau, à travers leurs productions ou leurs conférences.

La Société le fait également grâce, notamment, au festival Lumexplore à La Ciotat ou par l’intermédiaire de la Bourse Fondation IRIS – Société des explorateurs français, créée en la mémoire du co-fondateur de la Fondation IRIS, Jean-Marie Hullot. Cette bourse financera à hauteur de 100.000 euros l’expédition d’un membre de la Société des explorateurs français, axée sur la préservation de la biodiversité.


Mais, faire davantage en ce domaine serait, à n’en pas douter, un acte important envers nos jeunes concitoyens pour les aider, à notre manière, à devenir de nouvelles générations libres et responsables. Un petit cygne blanc, parmi les cygnes noirs.

Olivier Archambeau


Je finirai en formulant trois vœux qui me paraissent aujourd’hui importants à réaliser (bien qu’utopiques… comme tous les vœux).

Le premier tout d’abord : dans le monde qui vient, de plus en plus normé et contrôlé, quels que soient les régimes, il nous faut absolument convaincre les plus jeunes que la Liberté (de penser, de voyager, d’agir, d’écrire, de filmer de témoigner et de s’engager) ne se négocie pas.

Et leur faire passer le message suivant : il faudra peut-être combattre pour la garder.

Deuxième vœu : faire comprendre que, si les problèmes liés au dérèglement climatique sont à prendre en compte, le risque majeur et mortel pour l’espèce humaine est la destruction massive et déjà très avancée de la biodiversité. Car, en ce domaine, il n’y aura pas d’adaptation possible.

Enfin, un troisième et dernier vœu, peut-être le plus utopique : faire entendre aux nouvelles générations (sans être aucunement malthusien) que la décroissance démographique intelligente est l’une des voies qui peut permettre la préservation de la qualité de la vie sur Terre, tant pour les Hommes, que pour la vie animale et végétale.

En espérant que vous me pardonnerez ce trop long texte, je vous souhaite, de nouveau, une belle et heureuse année au nom de notre Conseil d’administration.

Olivier Archambeau
Président de la Société des Explorateurs Français