Le bateau d’exploration Tara (lequel – avec la Boudeuse de Patrice Franceschi – perpétue l’antique association de la curiosité scientifique et de l’esprit d’aventure) vient d’achever sa campagne d’été et se dirige vers Hawaï. Trois mois de navigation hauturière ont mené le navire, financé par Agnès B., des Galápagos jusqu’aux Marquises. Sibylle d’Orgeval – qui travailla pendant dix ans aux côtés de Yann Arthus-Bertrand à la production d’expositions et de documentaires – a tenu pendant près de quatre mois le journal de bord du bateau. La Pigaffeta de Tara rappelle que l’équipe scientifique de la goélette s’est lancée, il y a deux ans, dans une mission d’étude du plancton marin. Les micro-organismes (qui firent les délices d’Alain Bombard pendant sa dérive atlantique) ont valeur de révélateur et de « témoin d’alerte » des fluctuations climatiques de la Terre. La biomasse en suspens dans les eaux océaniques est affectée biologiquement par les variations atmosphériques. Étudier le plancton c’est mieux comprendre notre climat. Le plancton est à la fois une boule de cristal et un magasin d’archives. À travers lui on peut prédire les fragilités et les constantes du climat et, grâce aux sédiments fossiles qu’il génère, on peut contempler le visage des océans dans les temps immémoriaux. Sibylle, dans le portrait qu’elle dresse de Chris Bowler, l’un des responsables scientifiques du bateau, insiste sur la nécessité de conserver dans l’étude une vision holistique :« Quand nous nous penchons sur les micro-organismes des océans » confie Bowler à la jeune journaliste, « il nous est indispensable de connaître leurs conditions de vie. Pourrait-on étudier les Parisiens sans nous soucier des particularités de la France ? Je suis nostalgique de l’époque des philosophes naturalistes pour qui les connaissances n’étaient pas aussi compartimentées qu’aujourd’hui ! ». On lira les chroniques de Sibylle d’Orgeval sur oceans.taraexpeditions.org

Sylvain Tesson

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