Nos amis Christian Clot et Mélusine Mallender, ont affronté il y a deux ans et demi, lors d’une expédition inédite en kayak, le sauvage entrelac des Canaux de Patagonie, à l’extrémité Sud du Chili, entre Atlantique et Pacifique.

En prélude à leur conférence du 10 novembre à 19H00, « La trace des hommes », voici l’un des articles rendant compte de cette exploration, diffusé par l’Agence France-Presse en Juillet 2009:

(AFP) – Cinq mois à pied et en kayak dans le diabolique labyrinthe des canaux de Patagonie autour des 50e hurlants, dans un désert de vent enragé, de neige et de pluie glacée: l’explorateur Franco-Suisse Christian Clot et l’aventurière-géographe Mélusine Mallender, viennent de signer une grande page de l’aventure moderne.
Membre du comité directeur de la Société des Explorateurs Français (SEF), Clot, 39 ans, est le jeune fleuron de l’institution centenaire.
Il s’est frotté à tous les terrains de l’extrême, de la forêt tropicale aux sommets Andins, de l’Himalaya au cercle polaire Arctique. Mais c’est en 2006 qu’il est entré dans l’Histoire, premier homme à fouler le sol glacé (en frôlant la mort de crevasses en avalanches) du coeur de la cordillère Darwin, queue australe de la cordillère des Andes en Terre de Feu chilienne.

— Le monde perdu des Indiens Tehuelches et Kawescars —

Bivouac entre canal et forêt primaire

L’expédition que Christian et Mélusine ont mené à bien de mars à juillet, avait pour but d’explorer, pour la première fois dans son ensemble, les territoires des Indiens Tehuelches et Kawescars.
Ces deux peuples, quasi décimés à la fin du XIXe siècle, victimes des  maladies importées par colons et missionnaires, vivaient depuis la fin de la dernière ère glaciaire (moins 12.000 ans) de part et d’autre du +Hielo Continental+ (21.000 km2), la plus grosse surface glaciaire du monde après l’Antarctique et l’Arctique (Groenland inclus), coincée entre les 52e et 48e parallèles Sud.
« Les études sur ces Indiens du grand Sud, mal connus et mal traités, restent succinctes, souligne Christian Clot. Notre périple de 2.000 km fut une vaste reconnaissance de cette région au climat invivable d’où nous rapportons relevés topographiques et photos géo-référencées, afin d’ouvrir la voie aux anthropologues et ethnologues ».
Les Kawescars étaient des nomades de la mer, vivant nus, de chasse et de pêche sur les milliers de kilomètres des 300 canaux et 1.200 îles semi-glaciaires qui bordent la côte Pacifique.
« A bord des kayaks, dans cet immense labyrinthe liquide avec des conditions météorologiques sans cesse changeantes et agressives, des vents de tornade et des précipitations homériques, nous avons connu les épouvantables conditions de vie de ces +hommes du présent+ qui vivaient au jour le jour au gré des humeurs du dieu Vent », raconte l’explorateur.

— Williwoo, la mort aux trousses —

Le 2 juin, Christian et Mélusine, ont rendez-vous avec la légende, celle de Ayayema, « l’esprit du mal » des Kaweskars, qui frappe ses victimes avec une arme terrible, le Williwoo, une soudaine rafale de vent à plus de 200 km/h qui creuse son sillon écumant sur les canaux de Patagonie comme une torpille fonçant sur l’objectif.
L’explorateur raconte: « Mélusine était à une centaine de mètres devant moi. J’ai soudain vu arriver un Williwoo par notre travers. J’ai eu le temps de mettre mon kayak dans l’axe, Mélusine, non. Elle a été frappée de plein fouet. Son kayak s’est élevé dans les airs. Elle a été éjectée et son embarcation s’est fracassée sur les flots déchaînés ».
L’eau est à 4°C. La jeune femme, dans sa combinaison étanche, s’accroche au kayak qui finit par couler.
« Impossible de la récupérer. J’ai été poussé vers la rive par le souffle puissant. Je ne la voyais plus. Je l’ai crue perdue » se souvient Christian Clot avec émotion.
Mais Ayayema a échoué. La jeune géographe de 28 ans, excellente nageuse, a pu rejoindre son compagnon.
Elle était transie de froid, épuisée, traumatisée mais… vivante.
« Sur ces « canales », pires bras torrentueux de la planète, ils sont les premiers explorateurs à avoir affronté pendant l’hiver austral, courants et tempêtes perpétuels, au coeur des ultimes îlots inhabités face au Pacifique en furie », assure Claude Collin Delavaud (81 ans), l’émerite professeur de géographie, spécialiste de l’Amérique Latine.

A voir en conférence le 10 novembre 2011 à la Société des Explorateurs Français, Boulevard Saint Germain

Au coeur du pays Kawescar

Patrick FILLEUX