La cordillère Darwin dans l’extrême Sud du Chili, n’est plus une Terra Incognita: six alpinistes du Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) de Chamonix viennent, début octobre, d’en achever la première traversée intégrale.

 

Funambules sur la crête

Partis en totale autonomie le 6 septembre 2011 du versant occidental de la chaîne montagneuse située au Nord-Ouest du cap Horn et longue de quelque 150 km, les 6 militaires français sont venus à bout de leur périple inédit, 28 jours plus tard, à proximité du canal de Beagle, à une quarantaine de km à l’Ouest d’Ushuaïa.
« Nous sommes dans la plénitude de l’accomplissement. Nous sommes fiers pour la France et ses couleurs », sont les premiers mots de fin d’expédition du capitaine Lionel Albrieux, le chef de l’exploration.
Albrieux, 40 ans, son second, le lieutenant Didier Jourdain, 37 ans, l’adjudant-chef Sébastien Bohin, 38 ans, le sergent-chef François Savary, 38 ans, Dimitri Munoz (grimpeur civil du GMHM, 38 ans), et le caporal Sébastien Ratel, 25 ans, sont arrivés le 4 octobre à proximité du canal de Beagle.
« Nous sommes maintenant dans l’herbe, au bord d’une rivière. Nous écoutons les chants des oiseaux. Cela nous fait drôle après un mois dans cet enfer blanc truffé des pires pièges et obstacles de la montagne », a ajouté l’officier français.
Avant le GMHM, plusieurs expéditions internationales avaient tenté d’en réaliser la traversée intégrale. Elles avaient toutes échoué, tant les conditions à la fois météorologiques (pluie, neige, brouillard, vent violent) et de terrain (champs chaotiques de glace, crevasses, avalanches) sont bien au-delà des normes communément admises de la course en montagne, y compris sur les plus hauts sommets du monde.
Depuis ce mardi 4 octobre 2011, la cordillère Darwin, découverte en 1832 par l’auteur de la « Théorie de l’évolution des espèces », lors de son tour du monde sur le Beagle, n’est plus un « rectangle blanc » sur le planisphère.

La voici parée -pour l’Histoire- des couleurs bleu, blanc, rouge.

Au pied d'un mur de séracs

 

 

 

« Nous avons toujours été sur le fil de Darwin », raconte le lieutenant Didier Jourdain, 37 ans, après l’exploit du Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) de l’armée de Terre qui vient de signer la première conquête de la Cordillère Darwin, à l’extrême-Sud du Chili.
Second de l’expédition dirigée par le capitaine Lionel Albrieux, 40 ans, Jourdain revient avec son supérieur sur le succès des six alpinistes du GMHM qui ont « joué les funambules sur les crêtes jamais parcourues » entre le 6 septembre et le 5 octobre.

QUESTION: Est-ce l’exploit le plus marquant du GMHM depuis sa création en 1976 ?
Lionel Albrieux: « Chaque génération du GMHM a accompli des exploits comme les « premières » réalisées dans les Alpes, les traversées des pôles Nord Sud et l’ascension de l’Everest sans oxygène. Avec notre succès en cordillère Darwin, nous sommes dans la continuité des anciens à qui nous faisons écho et honneur ».

Q: Quelles sont les clefs de votre réussite, là où toutes les autres expéditions internationales avaient échoué ?
Lionel Albrieux: « Préparation, détermination, compétence, engagement, fraternité d’armes et audace… Cet ensemble de paramètres et de qualités a permis notre réussite. On ne s’est jamais laissé gagner par le découragement et notre motivation s’est chaque jour renforcée ».

Q: Quelles ont été les principales difficultés attendues ou imprévisibles au départ ?
Didier Jourdain: « Nos prises de risques ont été à la mesure de l’enjeu, c’est-à-dire pendant 30 jours au-delà des normes. Nous avons emprunté certaines voies devant lesquelles nous aurions calé dans une course en montagne +normale+. Nous avons pris toutes les décisions en commun. Même si nous avions tout prévu et envisagé au départ, nos incertitudes ont été permanentes jusqu’au dernier jour, quant à la durée de l’expédition, notre stock de nourriture, la résistance du matériel et des hommes, les inconnus d’une météo imprévisible, violente et toujours changeante. Nous ne savions pas que nous pouvions physiquement et mentalement aller aussi loin ».

Q: Avez-vous frôlé l’échec ?
Didier Jourdain: « Oui, tous les jours. Nous n’avons jamais été assurés du succès. Nous n’avons jamais eu la moindre marge dans aucun domaine. Nous sommes passés là ou nous devions passer, sous les chutes de séracs, les risques d’avalanches, les pièges des crevasses… Nous avons joué les funambules sur les crêtes jamais parcourues et toujours sous un vent soufflant parfois à 120 km/h. Nous avons toujours été sur le fil de Darwin, ainsi que nous avions baptisé l’expédition ».

Propos recueillis par Patrick FILLEUX

La cordée