Une mission guyanaise va explorer le

«Continent de plastique» du Pacifique.

Sur la photo, Patrick Deixonne, le 13 avril 2012 à Cayenne, avant le lancement de la mission d’exploration du « continent de plastique » Jody Amiet afp.com

PLANETE

Des tonnes de déchets flottent au beau milieu de l’océan Pacifique…

Guidée par des satellites high-tech, une goélette des années 1930 va prochainement partir à la découverte du «septième continent», gigantesque plaque de déchets plastiques flottant sur l’océan Pacifique, grande comme six fois la France mais largement méconnue. «Choqué par les déchets rencontrés dans l’océan» lors de sa participation à la course en solitaire transatlantique à l’aviron Rames-Guyane, en 2009, l’explorateur guyanais Patrick Deixonne a décidé de monter cette expédition scientifique pour alerter sur la «catastrophe écologique» en cours dans le nord-est du Pacifique.

Cette plaque de déchets est «située dans des eaux peu concernées par la navigation marchande et le tourisme, le problème n’intéresse que les écologistes et les scientifiques. La communauté internationale ne s’en soucie guère pour l’instant», estime-t-il. Membre de la Société des explorateurs français (SEF) qui parraine l’aventure et fondateur d’Ocean Scientific Logistic (OSL), basée à Cayenne, Patrick Deixonne explique vouloir «être les yeux des Français et des Européens sur ce phénomène».

Plusieurs dizaines de millions de tonnes de déchets

Les déchets s’amalgament au point de rencontre de courants marins qui s’enroulent sous l’effet de la rotation de la Terre, selon le principe de la force de Coriolis, et forment un immense vortex appelé «gyre». La force centripète aspire lentement les détritus vers le centre, une spirale qui serait l’une des plus importantes connues sur la planète: 22.200 km de circonférence et environ 3,4 millions de km2, selon le Centre national des études spatiales (Cnes) qui parraine le projet. «On estime à plusieurs dizaines de millions de tonnes les quantités de déchets dans chacun des cinq gyres du globe», explique Georges Grépin, biologiste conseiller scientifique d’OSL. Ce sont «essentiellement des microdéchets de plastique décomposé en suspension sur 30 mètres de profondeur. Ce n’est pas un continent sur lequel on peut marcher au sens propre», précise-t-il.

Un capteur réalisé par des élèves ingénieurs de l’ICAM (Toulouse) avec le Cnes sera testé dans une bouée dérivante. Il doit permettre à terme de distinguer dans l’eau les plastiques des planctons et autres particules vivantes, puis de cartographier les zones polluées grâce à l’imagerie satellite, ce qui serait une première mondiale. Douze bouées dérivantes d’études scientifiques de l’agence américaine National oceanic and atmospheric administration (NOAA), du programme d’étude des océans de l’Unesco et du projet jeunesse Argonautica (Cnes) seront également lâchées durant le parcours pour permettre à des milliers d’étudiants dans le monde de mener une étude des courants marins.

 La mission «Septième continent» appareillera le 2 mai de San Diego (Etats-Unis) à bord de L’Elan, une goélette à deux-mâts de 1938, pour un mois de navigation et un périple de 2.500 milles entre la Californie et Hawaï, où l’explorateur Charles Moore a découvert par hasard en 1997 cette incroyable nappe de débris plastiques. Jusqu’à présent, hormis un passage de la mission Tara-Océans dans la zone pour y prélever du plancton, seules deux expéditions américaines l’ont étudiée, en 2006 et 2009. La goélette sera guidée par deux satellites de la NASA, Aqua et Terra, pour se rendre là où la concentration de déchets est la plus forte afin d’en mesurer la densité, avec des prélèvements d’eau, de planctons et de matériaux.

Ex-sapeur pompier au Centre spatial de Kourou et fin connaisseur de la forêt guyanaise, Patrick Deixonne, 47 ans, se définit comme un «explorateur d’une nouvelle génération qui doit documenter les grandes problématiques environnementales, car l’information est la clef du changement».