Mélusine Mallender a deux passions: l’aventure en solitaire à moto et la condition des femmes. Elle a mis la première au service de la seconde en parcourant « Les Routes Persanes », 27.000 km en Asie Centrale, au guidon de sa 800 cm3, à la rencontre de ses soeurs d’Asie centrale.

« La moto, c’est ma liberté et ma liberté, c’est aussi celle, trop souvent entravée, de la moitié des terriens, les femmes… », assure la voyageuse de 30 ans, fille d’un père britannique et motard et d’une mère française et féministe.

Ni pétroleuse dans son engagement pour la cause des femmes, ni « poignée dans le coin » sur la selle de son engin, l’ancienne costumière de théâtre et modiste, lectrice de Simone de Beauvoir et admiratrice d’Eve Ensler (la dramaturge américaine, auteure des « Dialogues du vagin »), est une militante de la rencontre et de l’écoute.

Elle a quitté Paris en juin et est revenue en octobre après une longue boucle qui l’a conduite jusqu’au Kirghizstan, à la frontière chinoise, à travers 19 pays, la plupart de culture islamique.
Seule exception au caractère solitaire de son voyage, l’Iran, où il est interdit aux femmes de piloter une moto. Un ami, l’explorateur franco-suisse Christian Clot, est donc venu la rejoindre pour tenir le guidon…

« Dans ces pays d’Asie Centrale, une femme qui voyage seule à moto –au-delà de la forte surprise qu’elle provoque, comme une extra-terrestre– projette une image de liberté, d’audace, qui constitue un excellent passeport pour lier connaissance », explique Mélusine Mallender.

Through the desert on a bike with no name.....

« En Iran, Ouzbékistan, Kirghizstan ou Kazakhstan, j’ai été regardée et accueillie comme un être androgyne, forçant le respect des hommes tout en ayant accès aux cercles restreints et privés des seules femmes », ajoute-t-elle.
De routes en pistes cabossées, de cols en lacs d’altitude, des Monts Célestes à la chaîne du Pamir, dans le désert brûlant (58°C à l’ombre) du Dash-E-Lut en Iran et les immenses pampas du Kazakhstan, dormant sous la tente parmi les yaks, Mélusine Mallender a exporté sa liberté pour en semer les graines chez ses semblables.

–Rêves de femmes–

Des dizaines de femmes et jeunes filles, filmées et interviewées, à Téhéran comme à Chiraz, à Tachkent comme à Bichkek et Amaty, ou dans les campagnes les plus reculées de l’ancienne Union Soviétique, se sont confiées à la jeune motarde.
Au sud du Kirghizstan, elle est entrée dans « la vallée des femmes », une communauté de villageoises vivant sous des yourtes en quasi gynécée, pendant que leurs hommes étaient partis travailler en Russie.

« J’ai trait les vaches et les juments, monté leurs chevaux, partagé leur gîte, leurs rires et écouté leurs rêves », dit Mélusine, qui maîtrise suffisamment la langue russe pour échanger.

« Et leur rêve, souligne-t-elle, était plus souvent de voir la tour Eiffel que de changer d’existence. Ces candidates au voyage, à la découverte, ne l’étaient en aucun cas à l’émigration ».

Reste l’Iran, où la Française a pu mesurer la fracture entre vie publique –soumise aux discriminatoires lois islamiques– et vie privée.

Où sont les femmes ?

« J’ai rencontré dans les grandes villes nombre de jeunes « Belphégor » de la rue, drapées des pieds à la tête, se transformer chez elles et avec leurs amies en Britney Spears et Madonna. On critique le gouvernement, on chante, on danse en jean, mini-jupe et débardeur, on consomme de l’alcool, on craque les verrous internet officiels pour avoir accès au monde… », dit Mélusine, qui ne doute pas que dans l’ancienne Perse aussi, « la femme est l’avenir de l’homme ».

AFP – Patrick FILLEUX