PARIS (AFP) – Des particules et micro-particules de plastique, en quantités préoccupantes de milliers et dizaines de milliers par km2, ont envahi les mers les plus retirées et les moins naviguées de la planète qui bordent le continent Antarctique, selon des prélèvements scientifiques effectués, en janvier dernier, par la goélette océanographique française Tara.

Le deux mâts se trouve actuellement à Hawaï. Il poursuit sa circumnavigation Tara-Océans, consacrée à l’impact du changement climatique sur les micro-organismes planctoniques et les coraux, commencée à Lorient en septembre 2009.

Son équipage international mixte de marins et chercheurs des plus prestigieux instituts de recherche et laboratoires du monde, avait fait une incursion de trois semaines dans les eaux glacées du continent blanc, il y a 8 mois.

« Un protocole inédit de recherche et échantillonnage de la pollution plastique, avait été mis au point à bord du bateau, par la Fondation Algalita pour la Recherche Marine (Marine Research Foundation), créée par l’océanographe américain, Charles J. Moore, basée à Long Beach en Californie », a indiqué à l’AFP Romain Troublé, le directeur des opérations de Tara-Océans.

Après avoir franchi le passage de Drake, Tara a navigué notamment le long de la péninsule Antarctique ainsi qu’en mer de Weddell, partiellement libérée des glaces pendant l’été austral.

« Tara a fait six stations scientifiques de recueil de plancton à différentes profondeurs, et a parallèlement déployé chaque fois pendant 1H30, des filets de surface à la traîne, spécialement conçus pour la capture des déchets de plastique », a précisé Romain Troublé.

Moisson de plastique

Et la moisson a été « riche », mais très alarmante.

Les échantillons polluants recueillis et étudiés ensuite en Californie, ont permis aux scientifiques de la Fondation Algalita, d’établir – en fonction de leur taille moyenne de 1 mm et de leur densité – que le nombre de ces particules et micro-particules de plastique en Antarctique, varie entre 956 et 42.826 par kilomètre carré, dans les eaux traversées par la goélette française.

En 2010, une autre expédition scientifique américaine, avait également -mais à une moins grande échelle-, constaté la présence d’une pollution au plastique, supérieure à celle d’origines métallique, verre ou caoutchouc.

Ces relevés avaient été effectués dans la mer d’Amundsen, côté Pacifique Sud de l’Antarctique, alors que la mer de Weddell, où a croisé Tara, est du côté Atlantique Sud.

Pour les biologistes marins, ces déchets de plastique de différentes dimensions et flottant en surface, sont très dangereux pour la vie marine -oiseaux marins, mammifères et poissons qui en avalent de petits morceaux ou sont empêtrés dans de plus gros morceaux- et le zooplancton.

En ces régions polaires foisonne notamment le krill (micro-crevettes), nourriture de base des gros cétacés, qui dérive par essaims gigantesques dans les eaux de surface.

Ce zooplancton, au début de la chaîne alimentaire, peut également ingérer ce plastique et ses toxines, s’empoisonner, voire nuire à la santé des baleines.

Dans quelques jours, Tara quittera Hawaï, cap au Nord du Tropique du Cancer, pour rejoindre le 38e parallèle à la recherche du « 8e continent » ou tourbillon subtropical du Pacifique Nord, immense décharge flottante océanique baptisée aussi: le continent de plastique !

© AFP PATRICK FILLEUX